» La règle et la sécurité : l’action réglée est-elle toujours efficace ? «
Journée du 8 juin 2012, au Belvédère (Toulouse).
Dans le rapport entre l’action (ou l’activité) et ce qui la contraint, les règles occupent une place centrale, car les règles sont des prescriptions qui disent ce qu’il faut faire ou ne pas faire. En réalité, les règles sont plutôt des guides pour l’action : elles sont mobilisées de manière différente, confrontées au terrain et interprétées au point de rendre leur application variable. Dès lors ne faut-il pas distinguer d’un côté, les règles formelles, écrites affichées, pré-posées ou préalables à l’action qu’elles visent à ordonner et de l’autre, les règles non écrites inventées en situation pour compléter les lacunes ou les imperfections des règles prescrites, voire pour imposer une autre manière de faire ? Comment gérer de manière cohérente ces deux sources normatives ? Comment concevoir des règles formelles efficaces sachant que leurs usages les alimentent en significations ? En effet, s’il y a deux sources normatives, leur mise en cohérence devient le problème : il y a une source officielle qui crée des règles formelles que les cadres ont pour tâche de faire appliquer ; mais dans la pratique naissent d’autres règles non écrites qui résultent de compromis, de solutions collectives imaginées par le groupe pour résoudre un problème, parfois un problème de sécurité. Qu’en est-il alors de la performativité de la règle juridique, certes mobilisable, mais pas forcément dans tous les cas ?
En portant leur attention sur les règles en action, les intervenants (sociologue, psychologue, juriste et ergonomes) explicitent au travers d’exemples, la manière dont les sujets s’y prennent pour agir en sécurité face des perturbations, mais aussi la manière dont ils gèrent leurs propres actions qui ne sont pas toujours optimales. Ne faut-il pas partir des pratiques de sécurité pour établir des règles pertinentes et non l’inverse ? Certes, les opérateurs ne tournent pas le dos aux règles de sécurité préexistantes, mais les combinent dans l’action, décident de les utiliser ou non et surtout en inventent d’autres pour « agir en sécurité ». Comment cependant concevoir des dispositifs de règles stables et utilisables dans le cours d’action ? La sécurité ne se gouverne pas par la production de règles seulement, mais s’obtient par des actions « en règle » qui constituent un agir en sécurité.
Gilbert de Terssac – Les règles de sécurité sont-elles toujours obéies ?
Gilbert de Terrsac présente les résultats d’une étude sociologique sur les pratiques de sécurité menée dans une entreprise entre 1980 et 2001. Son équipe a analysé les politiques de sécurité formelles mise en œuvre et la sécurité effective qui en résultait pour les opérationnels, et son impact sur le nombre d’AT. 3 phases ont été identifiées : A. Sécurité Emergente, B. Sécurité imposée et C. Sécurité Négociée. La sécurité effective dépend des règles qui sont mobilisées : engagement, appropriation, compréhension et impunité, coordination par les savoirs de danger.
Michel Mazeau – Fabrication et Gestion des règles : comment répondre à l’exigence de cohérence ?
L’évolution des systèmes techniques plus complexes, fiables, et rapidement obsolètes nécessite une vigilance importante sur la tenue à jour des règles opérateurs. Celles-ci se présentent sous forme de données textuelles semi-structurées concernant l’exécution des tâches techniques. Indispensables à la maitrise de la sureté de fonctionnement des installations, elles doivent être gérées à partir d’un véritable système de supervision documentaire selon Michel Mazeau et son équipe. La démarche de gestion de ces documents proposée s’appuie sur un programme de vérification des documents, combinant un traitement automatique de langage (TAL) permettant de relever les erreurs et incohérences, et l’analyse d’un expert humain pour trancher.
Jacques Leplat – Réflexion sur le hiatus entre règle et activité
Après avoir rappelé quelques définitions et modèles relatifs à la règle, la tâche et l’activité Jacques Leplat s’interroge sur les conditions d’opérationnalisation de la règle pour l’opérateur, qui vont dépendre due hiatus entre règle et activité : accessibilité et compréhensivité des règles, capacité d’appropriation, … Il souligne le risque de modéliser une activité sûre uniquement à partir d’un système de règles pouvant être réducteur. Dans une deuxième partie, il s’intéresse à l’étude du hiatus selon la perspective de l’ingénierie de la résilience, qui part du principe que la sécurité doit être recherchée en contrôlant la variabilité de l’activité plutôt qu’en la réduisant.
François Daniellou – A l’articulation entre sécurité réglée et sécurité gérée, le métier, le management, les représentants
La culture de sécurité dans les industries à risque est principalement axée sur une sécurité réglée permettant d’anticiper toutes les situations prévisibles, au détriment d’une sécurité gérée permettant de faire face aux situations non prévues, qui se manifeste par une absence de préparation au mode dégradé non prévu. Pour améliorer la résilience des systèmes, François Daniellou postule que des instances de réflexion sur les situations sont nécessaires. Positionné à l’articulation entre le descendant (la stratégie, les modèles …) et le remontant (la réalité du terrain, les connaissances d’expérience…) le manager peut contribuer à rééquilibrer l’importance donnée au remontant.